Un cours magistral : est-ce que la hijâma rompt le jeûne ?

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Shaykh S. Ar Rouhaylî : les savants ont divergé, d’une vaste divergence, sur la question de la hijâma pour le jeûneur. Et cette question fait partie des plus dures questions relatives au jeûne. Est-ce que la hijâma rompt le jeûne du jeûneur ? La majorité des savants – les hanafis, les malikis et les shafi’is- sont d’avis que la hijâma ne corrompt pas le jeûne mais qu’elle est détestable pour le jeûneur. Pourquoi l’est-elle ? Ils dirent que c’est parce qu’elle peut l’affaiblir. Ils dirent alors : nous préférons qu’il ne fasse pas la hijâma alors qu’il jeûne. Et s’il la fait alors qu’il jeûne alors son jeûne n’est pas caduc.

Et ils se sont appuyés sur des preuves :

  • La 1ère, ce qui est attesté dans les deux sahîhs que le Prophète ﷺ s’est fait faire la hijâma alors qu’il jeûnait. Et il n’a pas été rapporté de lui qu’il ﷺ a rompu le jeûne.
  • Et la 2nde, ce qui est rapporté d’après Anas, qu’Allâh soit satisfait de lui. Il a été interrogé : «détestiez-vous la hijâma pour le jeûneur ? ». ‘Détestiez-vous ‘ c’est-à-dire l’ensemble des compagnons au temps du Prophète ﷺ. Il répondit : «non sauf en raison de faiblesse ». Et certains rapporteurs ont ajouté qu’il a été interrogé : «détestiez-vous la hijâma pour le jeûneur au temps du Prophète ﷺ?». Il répondit alors que non. Et le récit est chez alBoukhârî dans le sahîh. (Les savants) ont donc dit que cela prouve que les compagnons au temps du Prophète ﷺ ne réprouvaient pas la hijâma pour le jeûneur sauf si la hijâma était cause d’affaiblissement. Et s’il est indemne de faiblesse alors il n’y a pas de mal.
  • Et la 3ème preuve, ils ont dit -et le récit est authentique d’après certains compagnons- qu’ils se faisaient faire la hijâma alors qu’ils étaient en état de jeûne.

Et les hanabilas dans le madhab, et certains chafi’is leur ont donné raison, sont allés vers l’avis que la hijâma rompt le jeûne du jeûneur et que celui qui se fait faire la hijâma a donc rompu le jeûne. Et ils ont pris comme preuve le célèbre hadîth, parole du Prophète ﷺ : «celui qui fait la hijâma a rompu le jeûne ainsi que celui sur qui elle est faite». Le hadîth est rapporté par Ahmad, Abou Daoud, Ibnou Majah et An Nasâ’î dans al Kubra et il a été authentifié par alBoukhârî, Ahmad, AnNawawî, Ibn l-Qayyîm et Al Albânî : le hadîth est donc authentique.

Ici, nous avons alors deux choses qui se font face : l’acte du Prophète ﷺ puisqu’il s’est fait faire une hijâma alors qu’il jeûnait et sa parole ﷺ : «celui qui fait la hijâma a rompu le jeûne ainsi que celui sur qui elle est faite». Les hanabilas ont dit : nous faisons primer le hadîth «celui qui fait la hijâma a rompu le jeûne ainsi que celui sur qui elle est faite». Très bien et pourquoi ? ils disent car «celui qui fait la hijâma a rompu le jeûne ainsi que celui sur qui elle est faite» fait sortir du fondement et que ce qui fait sortir du fondement est devancé à ce qui est établi, à ce qui reste sur la base. Ils nous disent : quel est alors le fondement : est-ce que le fondement est de ne pas être soumis à responsabilité ou le fondement est-il la rupture du jeûne ? Nous répondons que le fondement est d’être dégagé de toute responsabilité. Ils disent : ainsi donc le fondement dans la hijâma est qu’elle ne rompt pas le jeûne.

Bien. Il nous est venu le hadîth «celui qui fait la hijâma a rompu le jeûne ainsi que celui sur qui elle est faite» qui nous fait sortir du fondement et le hadîth mentionnant que le Prophète ﷺ s’est fait faire une hijâma alors qu’il jeûnait est ce qui reste sur le fondement. Et ce qui nous fait sortir du fondement est devancé, pourquoi ? Car disent-ils il s’y trouve un ajout de science

(Après l’adhân) : nous avons donc montré que la majorité des jurisconsultes au sein des hanafis, malikis, et chafi’is, voient que la hijâma ne rompt pas le jeûne du jeûneur. Et que celui qui se fait faire la hijâma en état de jeûne alors son jeûne est valide. Mais que ce qui leur est préférable est que le jeûneur ne se fasse pas faire de hijâma. Et nous avons mentionné leurs preuves. Et nous avons mentionné que la doctrine des hanabilas, rejoint en cela par certains chafi’is, était que la hijâma rompait le jeûne du jeûneur. Et ils ont utilisé comme preuve la parole du Prophète ﷺ «celui qui fait la hijâma a rompu le jeûne ainsi que celui sur qui elle est faite». Ils ont dit que c’est un texte explicite du Prophète ﷺ indiquant que le jeûne de celui sur qui est faite la hijâma est rompu par la hijâma, et de même pour celui qui la fait. Et ils ont fait devancer ce hadîth sur l’acte du Prophète ﷺ qui s’est fait faire une hijâma alors qu’il était en état de jeûne en disant que l’acte était en concordance avec le fondement et qui est d’être dégagé de toute responsabilité. Et «celui qui fait la hijâma a rompu son jeûne ainsi que celui sur qui elle est faite » fait sortir du fondement, produisant un nouveau jugement autre que le fondement. Et ce qui fait sortir du fondement est plus fort que ce qui reste dessus : ainsi, on le devance.

Mais pour le joumhour, ils inversent. Et ils disent que le fondement dans la hijâma est qu’elle rompt le jeûne et que c’est l’acte du Prophète ﷺ qui sort du fondement alors il est devancé. Et la preuve à cela ce qui est rapporté chez AnNassâ’î et Ibn Khouzayma que le Prophète ﷺ a autorisé la hijâma pour jeûneur et ce mot « autorisé » montre que l’interdiction précédait, que la hijâma était auparavant interdite au jeûneur.  Puis le Prophète ﷺ a donné une permission au jeûneur quant à la hijâma. Et la permission ne peut survenir qu’après une interdiction : le fondement était donc l’interdiction puis autorisation a été donnée. Et l’acte du Prophète ﷺ fait sortir du fondement, concordant avec la permission, et qui sera donc le dernier des deux ordres. Et une preuve spécifique indique cela également, c’est ce qui est rapporté par Addaraqutni selon Anas qu’Allâh l’agréé qui a dit : « la première fois où fut détestée la hijâma, est que Ja’far Ibn Talîb, qu’Allâh l’agréé, se fit faire la hijâma alors qu’il était en état de jeûne. Le Prophète ﷺ passa près de lui et dit ‘ces deux-là ont rompu le jeûne’ – c’est-à-dire celui qui l’a faite et celui sur qui elle fut faite. Puis, après cela, le Prophète ﷺ accorda une permission au jeûneur quant à la hijâma ». Après l’avoir rapporté, Addaraqutni dit : « je ne lui (le hadîth) connais pas de défaut, tous ses rapporteurs sont dignes de confiance ». La majorité des savants a dit que le dernier des deux ordres venant du Messager d’Allâh ﷺ fut la permission dans la hijâma pour le jeûneur et que l’interdiction était ce qui précédait. « celui qui fait la hijâma a rompu le jeûne ainsi que celui pour qui elle fut faite », ceci était au début. Puis, le Prophète ﷺ donna permission dans la hijâma pour celui qui jeûne.

Certains ont dit que la cause de la rupture de celui qui se fait faire la hijâma est l’affaiblissement : que la hijâma l’affaiblit et c’est pourquoi elle rompt son jeûne. Mais cette cause est une moindre cause car nous trouvons qu’il existe beaucoup de choses qui affaiblissent le jeûneur et malgré cela, il ne rompt pas le jeûne s’il les accomplit. Si une personne courait 10 kilomètres, cela ne l’affaiblirait-il pas plus que la hijâma ? Cela l’affaiblirait mais malgré cela et par consensus, cela ne romprait pas. La cause n’est donc pas l’affaiblissement sinon il y aurait des choses qui seraient plus prioritaires que la hijâma (en terme de rupture). Ne voyez-vous pas le boulanger faire du pain en journée de ramadhân et se tenir debout devant le feu, sous une chaleur intense et cela l’affaiblit. Malgré cela, personne ne dit que lorsque le boulanger fait du pain en journée de ramadhân alors il devrait rompre le jeûne car il s’affaiblit.  Cela montre donc que cette cause n’est pas valide. Mais, la hijâma a seulement été rendue détestable pour le jeûneur car elle l’affaiblit et non car elle le fait rompre (son jeûne). Elle est donc détestable et non pas une cause de rupture. Comme cela est authentiquement rapporté par Anas, comme nous l’avons mentionné, ils réprouvaient la hijâma (en état de jeûne) à cause de la faiblesse. Cela montre donc que la faiblesse implique la détestation de la hijâma mais n’implique pas qu’elle soit une cause de rupture du jeûne.

Très bien, supposons que nous vous avons apaisé concernant la cause de celui qui se fait faire hijâma, à savoir qu’il s’affaiblirait. Et qu’en est-il alors de celui qui pratique ? Il ne s’affaiblit pas à cause de la hijâma et le Prophète ﷺ a dit : «celui qui fait la hijâma a rompu le jeûne ainsi que celui sur qui elle est faite ». Certains gens de science ont dit que la cause de la rupture du jeûne de celui qui fait la hijâma est parce qu’il a peut-être aspiré du sang et que cela a atteint sa gorge. Nous disons : quel est le plus probable ? Le plus probable est-il que celui qui fait la hijâma aspire le sang jusqu’à ce qu’il atteigne sa gorge ou le plus probable est-il qu’il ne l’atteint pas ?  Le plus probable est que cela n’atteigne pas sa gorge. Cette cause non plus n’est pas correcte.

Et il est rapporté de l’imâm Ahmad une narration qui dit que cette affaire est une affaire d’adoration : nous n’en connaissons pas la cause.

C’est pourquoi il m’apparaît concernant la hijâma, et Allâh est le Plus Savant, que la hijâma ne rompt pas le jeûne mais nous l’interdisons avant qu’elle ne soit effectuée, sortant ainsi de cette divergence dans les avis. Quant à celui qui se fait faire hijâma, nous ne le jugeons pas comme ayant rompu et nous ne l’obligeons pas à rattraper son jeûne. Par exemple, si une personne venait à nous et nous disait : « je jeûne, je veux qu’on me fasse la hijâma». Nous lui répondrions : « retarde la hijâma jusqu’à la nuit comme Ibn Omar, qu’Allâh soit satisfait d’eux, le faisait à la fin de sa vie ». Ne fais pas la hijâma en journée alors que tu jeûnes». Si un autre venait en journée de ramadhân et nous disait : «je reviens de chez celui qui fait la hijâma, je me suis fait faire hijâma ». Nous lui dirions : « ton jeûne est valide et le rattrapage du jeûne ne t’est pas imposé ». Cela est le plus tangible des avis de gens de science sur cette affaire, après m’être longuement penché sur le sujet et avoir fait beaucoup de longues recherches et ce à plusieurs reprises. Et j’ai passé en revue les paroles des gens de science sur ce sujet et je les ai soumises aux fondements car la divergence est forte. Et il m’est apparu, et Allâh est le Plus savant, que les preuves et les règles impliquent la parole « la hijâma ne rompt pas le jeûne » mais on l’interdit avant qu’elle ne soit effectuée sortant (ainsi) de cette divergence dans les avis.

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